aikido

II semblerait qu’il y ait dans la jeune génération de pratiquants un grand intérêt pour la création d’un tournoi d’Aïkido. J’aimerais considérer le sujet avec un peu d’attention. Je suis sûr que dans un pays au moins, il existe quelque chose que l’on pourrait considérer comme une compétition d’aïkido et que j’ai eu personnellement l’occasion de voir. Je ne sais pas si ce fut pour moi une chance ou non d’y être présent, mais j’ai pu me forger une opinion à partir de ce que j’avais vu. Et oui, nous pourrions appeler cela compétition bien que cela ressemblait plutôt à un concours. Il ne s’agissait pas d’un affrontement entre deux adversaires, mais de juger la technique de différents couples de compétiteurs. Cela ressemblait très fort à un concours de patinage artistique en couple. En fait, pour être sincère, il n’y avait pas de différences ! Gagnait celui qui présentait la meilleure chorégraphie et une bonne capacité acrobatique, ainsi qu’un partenaire coopératif et souple.

Il est vrai que dans ce type de compétition, il n’y a pas de souffrance physique pour le perdant… Mais il n’y a pas non plus d’efficacité réelle, ni de vitesse, ni de puissance, dans les techniques. Je ne comprends même pas comment s’arrangent les arbitres (s’ils existent) pour déterminer le « gagnant ». J’aime beaucoup les sports, spécialement ceux de compétition. Cependant, l’idée de compétition est absolument inapplicable au monde du Budo. Bien sûr, il y a des championnats de Judo et de Karaté et, personnellement, ils me plaisent autant l’un que l’autre. Mais une fois que ces deux arts martiaux ont été soumis à des règles pour être pratiqués comme des sports de compétition, ils ont cessé d’appartenir à l’esprit ou à la catégorie de Budo et sont devenus des jeux. Nous pourrions les appeler « jeux sportifs », « Karaté sportif », mais jamais Budo. Et bien que nous établissions certaines règles sur ce que nous pouvons faire ou ne pas faire, il n’est pas toujours très clair qui est le gagnant. On l’a vu aux derniers Jeux Olympiques, particulièrement en compétition de Judo. Il n’est pas nécessaire que j’entre trop dans les détails pour expliquer pourquoi il est impossible de réaliser une compétition de Budo. En fin de compte, le Budo est par définition : « une question de vie ou de mort ». Le gagnant pourrait finir en prison. De toute manière, je ne suis pas la personne la plus indiquée pour opiner sur la compétition de Judo ou de Karaté, mais je peux dire que la compétition en Aïkido est totalement inappropriée et cela me rend fier de pratiquer l’aïkido, car je crois que dans ce monde moderne, il est nécessaire qu’il existe quelque chose qui n’ait pas de dimension compétitive.

Dans notre société moderne, nous sommes entourés de rivalités et de conflits de pouvoir. L’homme actuel est complètement coincé dans de multiples formes de compétition, certaines très évidentes et d’autres plus subtiles, aussi bien du point de vue professionnel, que dans le contexte familial ou parmi ses propres amis. Notre objectif en tant qu’aïkidokas doit être précisément de n’être pas compétitifs, de ne pas nous comparer avec les autres.

Malheureusement, même dans l’Aïkido, il existe une certaine compétitivité entre les pratiquants. Je crois que c’est quelque chose d’inhérent au système des Dans ou échelles de grades. Si je n’appartenais pas à l’organisation Aïkikaï, si j’étais un grand maître ou si j’occupais une position à partir de laquelle je pourrais créer un nouveau système de grade, je ferais la chose suivante : Avant toute chose, j’éliminerais complètement les grades dans le rang de ceinture noire. Une fois que le pratiquant aurait atteint la ceinture noire, non à travers d’un examen mais à la suite de la recommandation du maître, il n’y aurait pas de premiers, deuxièmes, troisièmes … Dans. Quand quelqu’un arrive à la ceinture noire, tout le monde peut observer comment il progresse de jour en jour. Ainsi, au lieu d’essayer d’obtenir un grade de plus en plus élevé, l’élève s’efforcerait de progresser, pas d’augmenter le nombre de Dans. Cette mesure non seulement serait libératoire pour le pratiquant, elle en terminerait en outre, avec le sentiment de compétition avec les autres. Mais le plus important, c’est qu’au sein de chaque grade, il puisse y avoir un élève avec un grand talent naturel pour l’art martial et un autre moins doué. Cette différence existe déjà.

En plus, dans le système que je créerais, quand cela serait approprié le maître concèderait à ses élève le statut de Fukushidoin (instructeur assistant), puis celui de Shidoin (Instructeur ou Sensei) et finalement celui de Shihan (maître). Je crois que le Fondateur de l’Aïkido, OSensei, ne se préoccupait pas des grades. Cependant pour des raisons commerciales, il a fallu un système pour promouvoir et étendre l’art de l’Aïkido en créant une affaire qui permette de gagner de l’argent. D’après moi, cela n’a pas de sens que les élèves doivent payer chaque fois qu’il passe un grade et qu’en outre les cotisations aillent en augmentant au fur et à mesure que l’on monte d’un échelon. Que je sache, quand un élève obtient un diplôme dans un Institut ou une Université, il ne doit pas payer le diplôme ou le titre qu’il a obtenu. L’élève reçoit un certificat qui reconnaît ce quil a appris en assistant aux classes qu’il a payées tout au long de ses années détudes. Je crois que cela devrait être suffisant.

Je ne suis malheureusement pas très optimiste quant au futur de l’Aïkido. A partir de ses techniques, bien des gens peuvent développer de nombreuses méthodes différentes qui permettent d’établir un système de compétition. La seule chose que j’espère, cest que, si réellement vous aimez l’Aïkido, vous sachiez rester fermes et vous -suiviez les enseignements d’un bon instructeur avec de bons principes. Car ce serait la fin de l’esprit du Budo que le Fondateur avait en tête.

Texte: Yoshimitsu  Yamada Sensei    New York  BUDO INTERNATIONAL

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