shisei
Shisei
SHI
SEI
Shi (sugata) : Forme, figure, taille. Sei (ikoi) : Force, vigueur, vivacité.
Cet idéogramme signifie, littéralement, posture ou position. Traduit en français, nous l'avons déjà vu pour le Ki, l'idéogramme donne deux définitions apparemment antagonistes.
Shi signifie quelque chose de statique telle la montagne imposante par exemple, pleine d'inertie et de stabilité, tandis que Sei exprime le dynamisme,l'actif ou l'impétuosité. Comme pour le Ki, les deux aspects de l'énergie sont représentés, l'un n'étant pas l'opposé de l'autre. C'est encore une 'fois le jeu du Yi.1et du Yang,du solide contre un potentiel énergétique (la réaction nucléaire en est un exemple). Toute création du manifesté ne peut être qu'un avatar de l'énergie. Shisei serait donc la posture, l'attitude physique idéale qui permettrait au Ki universel de s'écouler - à la fois la première condition avant de réaliser quoi que ce soit de technique- et la dernière, car la qualité du Shisei trahit l'expert et tout le vécu du pratiquant. Voyons physiquement en quoi consiste Shisei.
Les pieds
La position des pieds en Aïkido est une de ses spécificités sur les autres arts martiaux. En effet, prenons la position debout pieds écartés.
Les pieds en Aïkido sont parallèles, écartement identique à la largeur des épaules, le poids réparti sur les deux jambes. Exécutons un quart de tour vers la droite ou la gauche et nous aurons une position que l'on appelle : San Kakuho.
San: 3 Kaku :côtés Ho : direction
Le poids toujours réparti sur les deux jambes, genoux légèrement fléchis, talons sous lesquels peut passer une feuille à cigarette, le contact se fait avec les plantes des pieds.
Le bassin parfaitement centré et positionné. La colonne vertébrale droite.
La tête bien dans l'axe, le regard à la hauteur normale des yeux. Une
mauvaise position de la tête entraîne un déséquilibre de tout le corps (cette caracté
ristique est utilisée pour les techniques. Exemple : lrimi nage).
Une partie de l'énergie et le support de l'esprit sont attribués au regard :
- La fascination de l'adversaire qui, sans effort, tue son ennemi comme s'il avait son consentement.
- La fixation de l'esprit de l'adversaire afin de mieux le maîtriser est une des bases de l'Aïkido.
- Si le regard est tourné vers le haut lors du Tai Sabaki, on s'aperçoit très vite du manque d'équilibre.
- Si nous regardons ses pieds, la tête nous tourne très vite et nous manquons aussi d'équilibre.
Dans les deux cas, on ne peut maîtriser l'espace environnant : nous avons vu la place et l'importance de la tête dans les chutes.
Si un écartement important des pieds assure un meilleur équilibre, cela ne permet pas un déplacement rapide. Trop rapproché, on manque d'équilibre. Une juste mesure en tout est la voie de la sagesse orientale.
Notre posture pyramidale a aussi plusieurs avantages. Comme nous le verrons dans un autre tome, les points vitaux sont pratiquement tous situés sur l'axe du corps et cette position, aussi choisie par les escrimeurs, permet de les cacher. Avant de les atteindre, il y a tout le rempart des muscles et os des bras, des côtes, même si le coup passe, il n'est pas très efficace et l'adversaire n'aura plus le loisir de recommencer. Cette position oblige donc l'attaquant à se découvrir plus que prévu et permet de contrôler visuellement 180°. La maîtrise de lrimi impo permet de contrôler rapidement les 180° manquants sans se déplacer.
En fait, si l'attitude physique - l'aspect yin - est la plus évidente, la plus apparente, l'aspect yang fait aussi partie de l'exercice ; la concentration, le regard etc ... sont les aspects moins manifestés du bon shizei. L'erreur la plus courante est de privilégier l'aspect uniquement physique, ou son contraire, s'en remettre à des connaissances plus ou moins vagues de certaines aptitudes psychiques. Encore une fois les orientaux ne créent pas la dualité, mais pratiquent la philosophie du "Un" dont la manifestation est plus ou moins "exprimée". Les plus "manifestés" yin sont aussi importants que les moins manifestés yang, et font partie d'un tout. C'est pour cette raison qu'une voie telle que l'Aïkido fait progresser son adepte car le plus petit détail, le plus petit mouvement, contient ou ne contient pas la connaissance de l'aïkido. Seule l'expérience du plus yin ou plus yang permet le progrès ;privilégier le côté yang ou yin, c'est rester dans la manifestation du physique-sport ou du psychisme-jeu intellectuel de la pensée discursive :ce n'est pas une voie. C'est créer la dualité. Ceci est particulièrement mis en évidence dans irimi et tenkan : 2 concep tions opposées et dont la connaissance nous ouvre chaque jour des perspectives. Dualité apparente, seuls les paradoxes nous permettent d'évoluer puisque la voie ne peut être décrite ou expliquée, on peut dire c'est cela , ou ce n'est pas cela. Et plusieurs degrés de compréhension existent selon le degré de pratique.
Prendre à la lettre la caricature d'un bon shizei ou d'un bon irimi, empêche le pratiquant de progresser car celui-ci s'attache à cette caricature et ne voit que le côté extérieur.
L'imagination mal utilisée- la recherche dans des voies différentes: le shizei du judo ou celui du kendo, la concentration du yoga - devrait, selon nos bons principes, nous faire progresser, et bien non. La compilation culturelle, la caricature de plusieurs maîtres ou de plusieurs arts ne nous permettront pas de progresser.
C'est pourquoi l'Aïkido est une voie paradoxale : irimi, tenkan ;tori, aïté (à la fois partenaire et adversaire) ; omoté, ura ; cela démontre le génie du fondateur. Créer un art martial réellement efficace (destructif) pour le bonheur de l'homme (construction de l'homme) dont chaque mouvement,chaque technique nous oblige à prendre conscience du moins manifesté au plus manifesté,'selon les 2 principes régissant la manifestation yin yang. Nous faire quitter la dualité (combat réalité martiale) pour rejoindre l'unité (réalisation de l'homme).
A la lumière des récentes découvertes sur les ondes de forme, recherches suivant lesquelles des volumes aux caractéristiques particulières auraient certains effets sur l'homme, on peut se faire une idée de ce que par expérience millénaire, les yogis, les chinois (confucianisme), les japonais ont constaté depuis longtemps (les mudras ou postures en yoga). La forme pyramidale et les égyptiens nous posent encore beaucoup de questions.
Selon l'énergétique chinoise :
l'énergie yang céleste et l'énergie yin terrestre se rejoignent au niveau du tanden qui, par analogie avec la pyramide, correspondrait à la chambre mortuaire. Huxley lui attribue des pouvoirs mystiques extraordinaires.
En conclusion Me Tamura dit de Shizei : “Souple, équilibré, mouvement, déplacement facile.”
Nous dirons que c'est le côté le plus apparent du shizei, que c'est la description de celui-ci car ces critères les plus visibles, s'ils sont une nécessité, ne sont pas un but.
Tout un empilage d'expériences de travail, de connaissances intuitives d'évolution personnelle dans la discipline,vont faire que notre shizei aura ces carac téristiques mais ce n'est qu'une conséquence sinon une explication, et 3 mn d'exercices suffiraient pour un bon shizei. Malheureusement ce n'est pas aussi simple.
Alain PEYRACHE –Traité didactique d’aïkido traditionnel